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Pas de culture de prévention sans évaluation des risques au sein des entreprises

Editorial de la lettre mensuelle Altersécurité infos, n°156, octobre 2019

Depuis quelques années, le terme de “culture de prévention” fait figure d’axe stratégique en matière de santé et sécurité au travail. Rappelons ainsi que son développement est qualifié de prioritaire aussi bien par le Plan santé travail 2016-2020 du ministère du Travail que par la Convention d’objectifs et de gestion 2018-2022 de l’Assurance maladie-risques professionnels. Et cela ne manquera pas de se poursuivre puisque, dans la lettre de cadrage sur la réforme de la santé au travail que le gouvernement a adressée début mars aux syndicats de salariés, le premier axe de travail porte sur la façon “d’accompagner efficacement l’ensemble des entreprises, dans la durée, pour que se développe une véritable culture prévention”.

De la réparation à la prévention

On aurait tort de voir dans cette soudaine floraison un simple effet de mode. En effet, la promotion de la culture de prévention s’inscrit dans le droit fil de l’évolution qu’a connue, au fil du XXe siècle, la façon dont nous appréhendons les risques professionnels. En simplifiant à l’extrême, il s’est agi de rompre avec le fatalisme en passant d’une logique de réparation des dommages à une dynamique toujours plus aboutie de prévention des risques.

Ce nouveau paradigme, évoquant le dicton populaire “Mieux vaut prévenir que guérir !”, a, comme on le sait, permis d’immenses progrès. Rappelons que l’on comptait 33,4 accidents du travail pour 1 000 salariés en 2017 contre 120 dans les années 1950 ! Toutefois, depuis quelques années cette amélioration ininterrompue depuis près de 70 ans semble connaître un effet de seuil. L’objectif visé avec le développement d’une culture de prévention consiste donc à franchir un nouveau pallier en utilisant de nouveaux leviers.

Comme l’expliquait le Dr Marine Jeantet, Directrice des risques professionnels à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), lors d’un colloque justement consacré à la culture de prévention (1), ce serait une erreur de considérer que ces accidents résiduels représenteraient, cette fois, une fatalité insurmontable. “Il est à noter, soulignait-elle, que les causes principales des accidents du travail restent les mêmes […]. Ces accidents sont donc évitables et liés à l’organisation et au fonctionnement quotidien des entreprises. De nombreux éléments concourent à la prévention, comme les normes ou la réglementation. Mais nous arrivons à un niveau où chaque personne au sein de l’entreprise doit intégrer elle-même la culture de prévention pour parvenir à éviter des situations qui n’auraient pas été anticipées. Il faut changer de braquet et d’outils pour parvenir à casser cet effet de seuil.”

De la conformité à la créativité

On ne saurait être plus clair : la culture de prévention prend acte qu’il serait vain d’édicter encore et encore de nouvelles strates de règles et de normes tatillonnes et contraignantes. Si bien que la solution passe plutôt par la promotion au sein même des entreprises, d’une dynamique d’attention aux risques. Au-delà de la simple conformité, la culture de prévention mise sur la réactivité et même la créativité des acteurs de terrain.

Soulignons que cette démarche n’est pas entièrement neuve. Ainsi, elle est déjà très présente dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER). En effet, loin de simplement vérifier le respect des normes légales, ce document permet aux membres de l’entreprise de porter un regard neuf sur les risques réellement présents sur leurs lieux de travail. Il représente donc le point de départ d’un changement de posture à l’égard des risques. Voilà pourquoi, “le développement d’une véritable culture de prévention” – pour reprendre les termes du gouvernement -, passe nécessairement par une évaluation des risques réalisée au sein même de l’entreprise.

“Santé-sécurité au travail : quels leviers pour une culture de prévention en entreprise ?“, Actes des Débats d’Eurogip du 21 mars 2019, librement consultable sur eurogip.fr

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